Les oubliés de la politique: co-construire demain ensemble

Depuis quelques années un sentiment d’abandon se propage chez une partie grandissante de la population. Ce sentiment, couplé à celui du déclassement, est également corollaire d’une montée des extrêmes et d’une méfiance envers la politique et les institutions. Dans un monde à l’avenir incertain, un climat social, économique, sanitaire et écologique tendu, comment comprendre, identifier, et co-construire l’avenir avec ceux et celles qui se définissent “oubliés” de la politique ?

Quel projet pour déconstruire et comprendre la méfiance envers la politique ?

I- Interroger les causes du phénomène et sortir de ses préjugés

L’ampleur que prend le phénomène de décrochage avec la politique et de défiance interroge légitimement. Quels profils ont les “oubliés de la politique? Quelle formation ? Quelle catégorie d’emploi? Quelle place dans la société ? Quelle projection ces oubliés ont ils d’eux-mêmes et quelle est celle que les autres ont d’eux ?

Ces personnes, il ne faut pas les voir comme des extrêmes, mais plutôt comme des “fâchés” à ne pas éloigner encore plus. Les comprendre c’est un premier pas pour leur proposer une solution. Au delà de positions parfois problématiques, comment ces personnes en sont arrivées là ? Autant d’interrogations que ce projet permettra de résoudre si nous le menons dans de bonnes conditions, avec un suivi et une exploitation des résultats.

Leur offrir un espace sécurisé et sécurisant afin de pouvoir s’exprimer, et pour nous de pouvoir réfléchir collectivement, c’est l’objectif.

II- Répondre en proposant un projet collectif créer un espace de dialogue

La finalité du projet proposé est de tirer des enseignements après avoir mis en dialogue des personnes avec des profils différents: ruraux, urbains, périurbains de différentes classes sociales et origines, visibles ou invisibles.

Dans ce même espace, seront également présents des acteurs, politiques ou non, qui interagissent avec eux à différents échelons et moments de leur vie. Le but étant de travailler pour dépasser les représentations et créer un espace de coopération.

Somme toute, c’est accompagner différentes personnes, de différents territoires, au sein de différents groupes.

On peut songer, par exemple, à un groupe de jeunes urbains, un groupe rural et/ou périurbain, et un groupe mixte.

La finalité c’est de ne pas s’imposer comme expert, mais comme animateur d’un débat organique et sécurisant entre les participants.

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III- Une organisation à taille humaine avec un veritable suivi

Il est essentiel de commencer ce travail par la mise en place d’un groupe de suivi qui a pour objet de travailler au recrutement, au suivi du dispositif et à son adaptation au fil de lot. C’est essentiel afin de ramener les “muets politiques” et créer des lieux de parole mais surtout de pensée où les seuls présents ne sont pas les convaincus.

Un travail de terrain doit être également mené pour s’ajuster au territoire et accompagner le-dit recrutement.

L’animation des groupes par site, avec la question de la taille des groupes (10? 20?), Un temps doit être également utilisé pour valoriser les retours d’expérience et des groupes, sous différents formats (Podcasts, écrits,…).

Sur le bilan et les perspectives, une véritable réflexion doit être menée afin que le projet se transforme en quelque chose d’individuel ou collectif.

IV- Quels financements ? Coûts ? Partenaires ?

Afin de mener à bien un projet de cette envergure, il est essentiel de trouver des financements. En effet, c’est environ 150 000€ à 200 000€ de financement qu’il convient de réunir afin de pouvoir développer cette initiative du début à la fin, et d’opérer un véritable suivi.

Cette somme englobe les frais de fonctionnement, environ 20 000€ par an et par espace (ce qui inclut le système local et l’intervenant), et 100 000 euros pour les frais pour l’organisateur.

Parmi les partenaires possibles, on peut naturellement s’orienter vers des financements publics (quelle strate ? département ? régional ? national?). Les partenaires privés aussi pourraient être sollicités.

Participation, engagement et légitimité

Quand on parle de faire ensemble, les questions de participation, de légitimité de chacun, d'engagement, sont à prendre en compte

Avant de parler de la participation et des questions qu’elle pose, il est nécessaire de la définir : Elle correspond aux démarches, procédures éventuelles  mises en oeuvre pour donner un rôle aux individus dans la prise de décisions les affectant.

Participer, c’est donc un engagement.

La participation pose plusieurs questions :

  • Le rapport de pouvoir : entre commanditaires et participants
  • La répartition claire des rôles, des enjeux, des limites de la participation
  • La clarté de l’intervenant sur son positionnement vis-à-vis du groupe
  • La qualification de la participation : quel statut ?
  • L’importance de la conflictualité pour construire une perception commune
  • Qui participe ?  Les volontaires ? Tous ? Si on veut un regard pluriel, comment accueillir et permettre la pluralité, la place de l’autre ?

Mais elle est souvent disqualifiée :

On peut, à ce titre parler de la démocratie participative et représentative.

Il est parfois difficile pour des élus, des dirigeants de donner ce pouvoir. Par ailleurs, c’est souvent un travail de groupe, parfois compliqué qui consiste à construire un avis et un positionnement collectif après de nombreux débats. Cet engagement ouvre une forme de responsabilité collective qui parfois n’est pas prise en compte à la hauteur du travail réalisé. Un sentiment de ne pas avoir été écouté crée de la suspicion.

 

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Participation oui, mais quand la participation remet en cause l’autorité, cela peut être difficile à accepter.

 

Un autre problème se pose lorsque l’on demande l’avis d’une population : les rapports de pouvoir des uns avec les autres qu’ils soient tacites ou non. Ce rapport de pouvoir peut influencer la parole amenant des peurs, retrait dans l’expression de certaines participants.

 

Les places, la légitimité:

La question de la participation pose la question des participants : quelle est la place de chacun ? comment dépasser les leaderships, porte-parole et permettre la pluralité pour une participation élargie ?

 

Pour répondre à ces problématiques il est nécessaire de permettre à chacun de se sentir légitime : on a le droit de s’exprimer de manière fragile, de balbutier, de ressentir des émotions autre que celles des autres. Permettre l’expression à partir de soi avec ses fragilités plutôt que d’exiger une parole qui correspond à une forme de norme dans laquelle tous ne rentrent pas.

 

Ainsi en tant que tiers animateur de la participation, il est nécessaire de prendre en compte ces différents aspects, et rester en questionnement permanent sur les places de chacun, sur la mobilisation et la démobilisation

Faciliter l’écoute au-delà de la fragilité :

Souvent la parole tue pendant des années a besoin d’accompagnement, on ne dit pas exactement ce que l’on voudrait dire. Elle commence avec des émotions et des mots maladroits. Il est donc nécessaire de les écouter pour permettre une compréhension et un accompagnement approfondi et adapté.

Développer la participation, c’est apprendre à écouter l’autre, se décentrer, lâcher avec son militantisme intérieur pour prendre la position de tiers.

Temps long de mobilisation et d’accompagnement de l’engagement

La participation ne se décrète pas. La mettre en place est un savoir-faire complexe,  elle demande du temps pour qu’elle soit représentative de toutes les parties prenantes. Si nous avons chacun nos points de vue, rester tiers engagé en tant qu’animateur est un travail de chaque instant qui permet à la parole d’émerger dans sa fragilité.

La place des invisibles : Pour leur laisser une place et leur permettre de participer, Il est primordial de comprendre l’intérêt que pourraient avoir les invisibles à s’engager dans la participation, de comprendre les peurs, les enjeux sous terrains (place, légitimité, risque de se sentir humilié)

La participation est le plus souvent pensée par des « sachants », qui ne sont pas forcément prêts à faire le pas de côté pour faciliter la place de l’autre, accepter la parole fragile, les émotions non reconnues dans son groupe d’appartenance.

Développer la participation c’est accepter de se laisser déranger.

Vivre ensemble et avec les autres

Que ce soit au nom de l’origine culturelle, de l’orientation sexuelle, de l’apparence physique, de l’âge, du genre ou encore du rapport au handicap, tout mode de discrimination est inacceptable. Ainsi, lutter contre la discrimination et en défendre les victimes peut permettre d’avantage d’égalité entre citoyens. Notamment lorsque celle-ci est remise en cause par des comportements et des positionnements qui créent une injustice.

Comment défendre ses droits et se faire accepter sans s’enfermer dans une forme de victimisation ?

Comment permettre l’acceptation par tous de sa singularité dans le quotidien ?

Notre stratégie repose sur la création de groupes de parole de personnes vivant toutes sortes de discrimination (racisme, LGBTQ+, jeunesses, etc.). Cela a pour but de se rencontrer, comprendre les problèmes auxquels chacun est confronté, et élaborer ensemble des solutions de lutte contre la discrimination à travers la connaissance et la prise en compte de chacun. L’idée est de penser la lutte contre la discrimination comme un défi général à combattre ensemble et sortir du schéma de victimisation et individualisme de chacun.

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Pour cela, des outils d’animation sont nécessaires :

  • La coopération :

Dépasser la peur du conflit pour coopérer afin de permettre la conflictualité dans un environnement sécurisé. L’objectif est de se dire les choses, dépasser les clivages et les tentations de radicalisation ou de pensée unique.

Cela est possible en favorisant :

    • Le dialogue
    • Une attention à la diversité et la représentativité des participants dans les groupes
    • La confrontation et le débat d’idées respectueux du narratif de l’autre pour dépasser les représentations et les préjugés
    • L’implication personnelle pour sortir d’un climat d’apathie ou de démotivation
    • La recherche pour innover ensemble dans des modes de fonctionnements agiles
    • L’exercice de contre-pouvoirs, garants de l’équilibre dans de l’organisation
  • La prise en compte de la légitimité de chacun.

Créer le cadre qui permette à chacun d’oser être soi et s’affirmer. Ainsi, permettre l’expression, au-delà des peurs, timidités, enjeux de pouvoir et leadership, tout en tenant compte de l’intérêt collectif et individuel à s’engager.

 

Mise en oeuvre:

Tout d’abord, mettre en mouvement les acteurs et les instances, instaurer un collectif au travail :

  • Mobiliser les acteurs diversifiés et représentatifs,  engagés ou invisibles afin de créer un réseau
  • Les faire se rencontrer au delà des représentations de chacun et favoriser une parole plurielle
  • Travailler à l’émergence de proposition concrètes pour permettre à chacun de se sentir d’avantage inclu et reconnu

Ensuite, écouter et prendre en compte les besoins

  • Mettre en place un plan d’actions précis qui répond aux besoins des acteurs
  • Intégrer le point de vue de chacun

  

Ces jeunesses qui questionnent la société: comment inventer demain avec elles ?  

La jeunesse vient toujours questionner le monde établi sur ses principes. Les jeunesses contemporaines ont grandi dans le chaos, elles peuvent apprendre au monde à vivre avec. Comment faire avec elles, les écouter, dans leur diversité, dans les points communs ?

Les jeunesses nous interrogent

Nous sommes interpellés à plusieurs niveaux ces derniers mois : des questions sur l’accompagnement à l’inclusion des jeunesses. 

  • Des jeunesses au travail : une forme d’incompréhension, voire d’impuissance entre jeunes et managers. 

« Comment recruter, comment encadrer et travailler avec les jeunes qui passent dans les organisations ? »

 

  • Des jeunesses de milieu rural : appel d’un proviseur de lycée technique 

« Comment recréer de l’espérance dans un espace qui semble névrosé, sans avenir, moribond ? » 

 

  • Des jeunesses qui refusent le cadre scolaire : jeunes qui se projettent champion de football dans un club professionnel 

« Comment trouver sa place entre toute puissance et impuissance ? » 

 

  • Des jeunesses en errance : émeutes du début de l’été 2023 dans les quartiers populaires. « On a perdu les jeunes » Disent certains accompagnants qui travaillent depuis des décennies dans les quartiers) 

« Comment aller vers et « retrouver » cette jeunesse et l’accompagner ? » 

 

  • Les ”invisibles“ : enjeu fort de l’inclusion, si on ne veut pas développer des formes de radicalisation diverses.  

« Comment leur permettre de se sentir inclus dans une société où aujourd’hui ils ne voient pas leur place ? » 

 

  • Les relations intergénérationnelles :  envie de faire se rencontrer les jeunes et les anciens en EHPAD.  « On veut travailler l’intergénérationnel mais on ne sait pas mobiliser la population jeune, ado dans ce travail »  

« Comment donner le désir de connaître l’autre ? »  

Ces jeunesses qui questionnent 2

Les jeunesses, un problème  ou une solution ?  

Quelques soient les représentations de chacun, on ne peut faire qu’avec elles.  

Un environnement vecteur de troubles  

 Quelques éléments de contexte à propos de notre environnement, dans lequel les jeunes baignent depuis tout petit :

 

  •  Le dérèglement climatique : 

« Est-ce que quelqu’un est préoccupé réellement chez les décideurs ? » 

« Si on ne réagit pas dans 2 ans c’est foutu. »   

Le temps passe et quelques années après, les changements sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu.  

Les jeunes ont grandi avec ces paradoxes, entre engagement individuel, parfois dans des collectifs, et passivité dans une forme d’impuissance généralisée. 

 

  • Certains médias de communication et de propagande  

Ils créent de nouveaux rapports à la connaissance : des vérités alternatives, des injonctions à croire et à se positionner, que ce soit dans la propagande de médias ou décideurs, ou de divers lobbyings.  Pas de place pour la complexité, pas de place pour douter, pas de place pour penser.   

 

  • La méritocratie et l’individualisme : 

D’une part l’ascenseur social semble en panne, mais on fait croire à chacun qu’il est entièrement responsable de sa réussite ou de son échec. L’individualisation des parcours se développe dans le milieu scolaire et universitaire. La question de l’environnement devient secondaire et le rapport au collectif n’est que très peu pris en compte.  

Dans certains milieux, la défiance envers les institutions grandit. La république perd du terrain au profit de communautarismes qu’ils soient culturels ou sociaux.  

 

  • Exister, se raconter sur les réseaux sociaux : 

Les réseaux sociaux sont devenus un espace de socialisation. Le besoin d’exister, d’être reconnu, de raconter l’histoire de sa vie et de faire collectif passe par les médias. Sans la rencontre physique, les réseaux sociaux déploient une ouverture au monde désinhibée. Ils amplifient positivement ou négativement la portée des échanges, de la reconnaissance au harcèlement violent voire à la haine.

 
 
La puissance des jeunesses :  

 

  • L’engagement : 

Il est différent selon les profils et les classes sociales, mais on ne peut parler de désengagement de la jeunesse. L’engagement des jeunesses actuelles diffèrent de celle des jeunesses précédentes. Le rapport au temps, à la rapidité, à la finitude amène un positionnement dans l’instant et moins dans la durée. Urgence climatique, positionnement politique, travail, découverte du monde, importance de l’équilibre personnel, autant de lieux où une partie de la jeunesse est très engagée. Celle-ci est particulièrement attentives aux équilibres individuels qui questionnent le mode de management des dernières décennies : Le travail n’est plus une valeur centrale mais s‘intègre dans un projet de vie.   

 

  • Le positionnement dans le rapport à l’autre : 

Un des éléments qui nous semble caractéristiques des jeunesses rencontrées est le positionnement vis-à-vis des autres. Par exemple l’intergénérationnel et le rapport de verticalité n’a plus la même prégnance que par le passé. Ainsi, ce mode de fonctionnement est souvent déroutant pour l’entreprise, les organisations pour qui l’assujettissement était la règle. Pendant revanche, dans un contexte de confiance mutuelle, la coopération et le désir de co-construction sont très présents. Peut être seraient il les maîtres de la participation ? 

A propos de nos radicalisations

Dépression, colère, indignation, espérance, ça tourne et retourne dans la tête depuis des mois, alors il est l’heure de coucher quelques mots, de chercher le sens, de provoquer peut-être, de se mettre en mouvement.

Colère, tristesse indignation, contre qui ? contre moi ? Contre les autres ? Contre les uns ?  Ce ressenti prend de l’ampleur chez chacun.

Pourquoi ? Comment ?  De ma place, à vouloir changer le monde, j’entends l’orage, l’impuissance et la colère des uns et des autres.

De Léna, de Kévin, de Rudy, de Aïsha, de Violaine, ou d’Amélie, de Cédric ou de Romain, de Mohamed, de Morgane, ou de Julien. ET DE MOI AUSSI !!

Pas de conversation sans qu’après quelques secondes, la colère explose, contre l’autre et son comportement inqualifiable, contre ce monde, les syndicats, les étudiants, les politiques, les policiers, les responsables d’entreprise, les chômeurs.

Nous avons trouvé un moyen collectif de développer la radicalisation, qu’elle soit religieuse politique, sociale même. Comment ? En ayant suivi quelques étapes scrupuleusement :

Etape 1 : Nier, éviter de voir le problème, ne rencontrer que des gens qui nous ressemblent et qui nous confirment dans nos manières de penser.

Etape 2 : Minimiser l’existence du problème évoqué par l’autre, mieux encore, le  ridiculiser,  ou diaboliser, pourquoi pas mépriser, manipuler l’information.

Etape 3 : Agir contre le moindre débordement, faire des exemples, et surtout ne rien changer à son mode de pensée, communiquer pour le renforcer.

Etape 4 : Se positionner en tant que victime.
En ayant reproduit ces 4 étapes plusieurs fois, en recommençant encore et encore. Peut-on faire autrement ? Est-ce inéluctable ? Quelques pistes pour renverser la direction:

Etape 1 : descendre de son escabeau, de son podium, de sa tour d’ivoire, de la certitude que l’on sait et que l’autre est donc forcément dans l’ignorance, ou dans une posture diabolique. Aussi facile à dire que complexe à faire, ça veut dire se rendre vulnérable, et sortir de la toute-puissance qui peut rassurer sans savoir si l’autre est prêt à faire de même. Oser l’intranquilité.

Etape 2 : Ouvrir des débats, oser des paroles, permettre à chacun de dire, y compris sa colère et sa rage, sa révolte, lui ouvrir la porte, pour essayer de comprendre (ce qui ne veut jamais dire excuser)

Etape 3 : Prendre en compte les besoins de l’autre, et ses propres besoins, construire un cadre qui permette de prendre en compte les uns et les autres. Développer les confrontations bienveillantes.

Etape 4 : Proposer un mouvement dans lequel l’autre a une part d’autonomie, de reconnaissance, dans un cadre et des limites définies, ni dans la toute-puissance ni dans le déni de sa parole.

Et si c’était ça la révolution…
Réinventons l’autorité et la démocratie.